Session inaugurale de Sant’Expo

Mardi 23 mai

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président de la Fédération hospitalière de France (FHF), cher Arnaud Robinet,
Mesdames et Messieurs les Présidents des autres fédérations hospitalières, chers Marie-Sophie Dessaule, Elisabeth Hubert, Lamine Gharbi et Jean-Yves Blay,
Mesdames et Messieurs les délégués généraux des fédérations,
Messieurs les Présidents des conférences hospitalières,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les directeurs généraux,
Mesdames et Messieurs, en vos grades, qualités, titres et fonctions,

Le choc que nous avons tous subi hier, lors de l’agression de deux d’entre nous au CHU de Reims est, je le sais, dans toutes les têtes ce matin. Le décès de Carène est un drame qui nous anéantit tous. Je réitère mon soutien total aux victimes, à leurs familles, à leurs proches, aux équipes qui les ont prises en charge, et plus largement à toute la communauté hospitalière de Reims.

Il y a un an, j’arpentais les allées de ce salon loin de penser que je me retrouverai devant vous cette année, à cette place … C’est donc une première pour nous deux, cher président de la FHF. Alors, je tâcherai d’être à la hauteur !

Rendez-vous incontournable des acteurs de la santé, Sant’Expo est plus, bien plus que des allées et des stands, ou le congrès de la FHF, c’est le lieu, le moment où tous les professionnels de santé, privés, publics, libéraux, salariés … se réunissent et peuvent échanger sur les enjeux et l’avenir de notre système de santé. Sant’Expo, c’est bien le lieu de convergence de toutes ces professions, de tous les avis, parfois tranchés, mais aussi de tous les possibles…

Ce qui nous réunit, j’en suis convaincu, c’est la volonté commune de construire un système de santé plus efficace, plus juste et, j’ose le dire, plus efficient pour mieux lutter contre toutes les inégalités d’accès à la santé. Vous le savez, c’est mon objectif, celui du Gouvernement, celui du président de la République

Et je profite de cette assemblée pour bien rappeler que la santé doit être comprise dans son ensemble, c’est-à-dire de la prévention au dépistage, aux soins et à la réhabilitation.

Dans cette lutte contre les inégalités d’accès à la santé, tout le monde a sa place, citoyens, élus, professionnels … comme dans les très nombreuses réunions territoriales organisées par les ARS dans le cadre du conseil national de la refondation en Santé voulu par le PR. C’est pourquoi je suis particulièrement ravi que, pour cette édition 2023, nous nous retrouvions autour d’un thème très actuel, et qui transcrit bien les enjeux auxquels nous faisons face.

La santé au coeur de la démocratie

Oui, Mesdames et Messieurs, la santé est un sujet éminemment démocratique.

C’est un droit individuel fondamental, que le droit à bénéficier du meilleur état de santé possible, le droit à la prévention et au traitement, le droit à l’accès aux médicaments essentiels.

La santé publique, c’est aussi un droit collectif, solidaire et universel.

Cette vision de la santé comme « bien commun supérieur », c’est celle qui a présidé à la création de la Sécurité sociale, et qui a été réaffirmée par le président de la République, dès la première vague de Covid-19.

Cette pandémie de Covid-19 qui, de par son caractère d’urgence inédite et globale, nous a fait nous reconnecter, avec une force et une acuité nouvelles, à cette vision partagée.

Au fil des vagues et des variants, nous ne le redirons jamais assez, nous avons collectivement fait face.

Nous en gardons, notre société entière en garde, une reconnaissance fondamentale en direction de tous ceux qui, à un titre ou un autre, se sont investis dans la réponse à cette crise. Ne l’oublions pas !

Plus que jamais nous l’avons ressenti, plus que jamais nous l’avons vécu : la santé nous concerne tous, la maladie peut frapper chacun d’entre nous, la protection de nos concitoyens est un engagement nécessairement solidaire et collectif.

Nos concitoyens ressentent, peut-être plus que jamais, comme leurs représentants élus, la nécessité de prendre part à ce projet, de contribuer aux solutions, alors que les besoins et les aspirations se renforcent.

La santé est au coeur de notre pacte social, de nos valeurs fondamentales. Tout ce qui fragilise l’accès de nos concitoyens à la santé fragilise au fond la confiance dans notre système social, et fait courir le risque de miner nos solidarités, et, j’ose le dire, la cohésion de notre société.

C’est pourquoi il y a urgence à lutter contre toutes les formes d’inégalités d’accès à la santé. Qu’elles soient liées aux revenus, au genre, au handicap, au territoire dans lequel on vit. C’est, vous le savez, le cap de mon action au sein de ce Ministère.

C’est pourquoi il y a urgence à redonner de la confiance. Cette confiance elle se crée chaque jour dans la pratique de notre exercice, et dans l’expérience des malades. Elle se crée aussi par notre capacité à faire évoluer nos référentiels et nos pratiques pour tenir compte de réalités nouvelles.

Alors que la crise sanitaire a créé une conscience collective inédite autour de ces questions de santé, servons-nous en pour construire ce chemin, et pour remobiliser chacun autour des valeurs fondamentales de notre système de santé et de notre démocratie.

***

Assumer que la santé est l’affaire de tous, c’est le sens de la démarche du Conseil national de la refondation en santé (CNR Santé), que nous conduisons depuis maintenant huit mois.

C’est cette dynamique, que nous avons souhaité, vous le savez, pérenniser dans tous les territoires. Elle permet de rassembler professionnels, élus et citoyens autour de l’élaboration de solutions concrètes, proches des réalités.

Dans cette dynamique, j’y crois vraiment très fort, l’Etat se repositionne comme « facilitateur ».

Je pense ici par exemple au pouvoir de dérogation élargi que nous avons conféré aux directeurs généraux des ARS, et qui leur permet d’adapter la règlementation aux spécificité locales.

Une politique qui se décline donc dans chaque territoire… et dans chaque établissement de santé.

Ces principes de confiance aux acteurs, de participation, de de liberté organisationnelle sont ceux qui permettront de transformer nos établissements de santé, et en particulier notre hôpital public.

Transformation de l’hôpital

C’est le premier point sur lequel je voudrais insister aujourd’hui.

Le président n’a pas dit autre chose lors de ses voeux aux acteurs de la santé, lorsqu’il a érigé le fait de « réorganiser les soins à l’hôpital pour retrouver une échelle humaine » (Discours du Président de la République à l’occasion des voeux aux acteurs de la santé, Corbeil-Essonnes, 6 janvier 2023) en priorité forte de notre action de refondation du système de santé.

L’hôpital, c’est évidemment l’un des piliers de notre système de santé, dans lequel prend corps cette promesse démocratique, que je mentionnais d’entrée.

La spécificité du modèle social français et de son hôpital, c’est, en effet, cette promesse de soins de qualité et garantis pour toutes et tous, que nous avons fait le choix d’assumer collectivement.

Même si, je veux le souligner d’entrée, l’hôpital n’est ni une île, ni une forteresse !

L’hôpital n’agit pas seul, et nous devons conforter chaque jour un peu plus, cette démarche qui est la nôtre, de renforcer les synergies avec la ville, comme le lien avec tous les partenaires privés.

La refondation, la préservation du caractère démocratique de notre système de santé, c’est ainsi, pour moi, de rendre l’hôpital à celles et ceux pour qui il existe, nos patients, et à celles et ceux qui le construisent au quotidien : les équipes hospitalières.

***

Transformer notre hôpital, c’est donc une nécessité, tant pour préserver ce pilier démocratique, que pour le projeter dans une nouvelle modernité. Pour l’aider à retrouver ses pleines capacités, aussi, à l’issue de cette crise inédite.

Si je suis réaliste devant les difficultés, humble mais déterminé devant l’ampleur de la tâche qui nous attend, je ne partage pas pour autant le discours du « tout va mal », ni la représentation catastrophiste d’un hôpital en perdition.

Il ne l’est pas, pas plus que ne le sont l’hospitalisation privée ou l’hospitalisation à domicile, et je veux rendre à chacun ici un hommage appuyé. Parce que la diversité d’acteurs fait résolument partie des richesses de notre système de santé qui, rappelons-le, soigne, guérit et sauve tous les jours. Dans nos hôpitaux, dans nos ESPIC, dans nos cliniques, en hospitalisation à domicile. Tous acteurs dans nos territoires de la réponse en santé.

Je ne nie pas la réalité, mais non, tout ne va pas mal ! Et le foisonnement, les idées et les innovations qui parcourent les allées de ce salon nous le disent !

Mesdames et Messieurs, le travail est résolument enclenché, et nous réussirons ces transformations ambitieuses, parce que ce sont les équipes, les équipes dirigeantes, les équipes médicales, soignantes, administratives, techniques et logistiques qui sont les acteurs du changement, au quotidien, avec les patients pour lesquels elles se mobilisent.

Notre méthode pour parvenir à redonner du sens et de l’efficacité au travail des professionnels,

Notre méthode pour combattre les effets de l’érosion de la démographie médicale, et continuer de répondre au mieux aux besoins de santé des Français…

C’est de continuer à investir, de continuer à travailler à de meilleures organisations collectives, pour favoriser la cohésion de la communauté hospitalière, et relever collectivement tous les défis de transformation du système de santé en général, et de l’hôpital en particulier.

Et pour y arriver, notre outil doit être de permettre plus de liberté d’organisation, plus de flexibilité, d’agilité pour que chaque service ait la capacité d’adapter son fonctionnement, en temps réel, aux besoins rencontrés.

***

C’est pourquoi, sous l’impulsion du président de la République et de la Première ministre, nous accélérons la transformation de l’hôpital, en prenant à bras le corps y compris des « serpents de mer », comme la tarification à l’activité, l’organisation et le temps de travail, ou encore certaines briques de la gouvernance hospitalière.

Cela doit nous enthousiasmer, car c’est ce qui garantit que l’hôpital de demain sera érigé sur des bases solides et des collectifs de travail rénovés.

Vous le savez, j’attache une importance centrale à la nécessité de revitaliser les services et à la cohésion des équipes autour d’un projet médico-soignant partagé.

C’est, pour moi, un point fondamental, la condition déterminante pour arriver à redonner du sens au travail des professionnels. On sait tous ce qui s’y joue, dans les moments positifs, comme dans les épreuves.

A la suite du Président de la République, donc, je le redis : il faut que le service redevienne l’unité organique et humaine de fonctionnement de l’hôpital.

Conforter la place du service au coeur de l’organisation des soins, c’est donner aux équipes la capacité de s’organiser, en autonomie et en responsabilité, pour favoriser la fluidité des projets, dans un collectif qui fait sens et qui crée de la solidarité, en particulier pour faire face aux tensions qui peuvent exister dans les établissements.

Or, vous avez été nombreux à l’exprimer dans les consultations conduites par l’ANAP, la FHF ou les conférences hospitalières : nous ne sommes pas allés assez loin, à la suite du rapport Claris de 2020 (Mission sur la gouvernance et la simplification hospitalières confiée au Pr Olivier Claris, juin 2020), dans ce renforcement de la place du service.

Il y a bien eu certaines avancées, notamment dans les mentalités. Mais, dans les faits, les professionnels n’ont pas ressenti ce changement dans leur quotidien.

C’est la raison pour laquelle j’annoncerai très prochainement un ensemble de mesures qui viendront consacrer et conforter cet échelon du service.

Et je peux déjà vous dire qu’un débat aura lieu, dans chaque établissement, associant le plus grand nombre possible de professionnels, pour faire collectivement émerger cette meilleure organisation interne, et repenser le rôle respectif de chaque échelon de la gouvernance.

Nous renforcerons le binôme fondamental formé par le chef de service et le cadre d’unité de soins, la délégation de gestion, ou encore les innovations managériales.

Tous les sujets sont sur la table. Les outils seront mis à disposition de tous, et chaque établissement, et chaque service même, pourra et devra s’en emparer.

Le temps est venu de donner tout son sens, dans notre système de santé au principe de subsidiarité, afin que toutes les décisions qui peuvent l’être soient prises au plus près du terrain.

Chacun doit prendre ses pleines responsabilités, et j’assumerai de confier aux ARS un rôle nouveau de garant de la réalité du déploiement des changements dans chaque établissement.

A tous ceux qui voudraient imposer des ratios figés, ou mettre en place des organisations uniformes et contraintes pour faire face à nos difficultés, je réponds que ce n’est pas une solution. Cela ne ferait que rigidifier un système qui a un besoin urgent de souplesse et de confiance.

Au contraire, il s’agit de donner de nouvelles capacités aux managers et à leurs équipes.

En appui, nous avancerons sur les outils de mesure de la charge en soins. Je souhaite que nous développions, sur ce sujet, des outils « Made in France » qui auront du sens pour tous nos professionnels.

Nous mettrons au service de tous les pratiques qui fonctionnent, et ouvrirons de nouvelles souplesses, en matière de temps de travail. Là aussi, les équipes doivent collectivement avoir le choix de leur organisation de travail.

Nous le ferons dans le dialogue social. Vous savez combien j’y tiens, pour avancer résolument vers des outils managériaux plus modernes et plus participatifs.

Cette confiance, cette marge d’action et cette liberté d’organisation, elles sont majeures pour que chacun se sente mieux reconnu et valorisé dans son travail. Elles sont majeures pour « faire équipe » et donc mieux soigner.

Des équipes stables et renforcées, un management plus collaboratif et personnalisé, ce sont aussi les clés de la fidélisation des professionnels pour que les carrières retrouvent des perspectives et toute leur attractivité, notamment auprès des jeunes soignants.

Sur ces sujets, nous le savons tous, le Ségur a permis des avancées majeures que nous avons complétées par les mesures issues de la mission flash à l’été dernier. Acceptons tous ensemble de dire que nous devons encore progresser, pour notamment mieux prendre en compte ce qui est tout à fait spécifique dans le travail hospitalier !

Le Président de la République l’a redit : nous allons continuer à travailler sur les conditions de travail et la prise en compte des spécificités des métiers de soignant.

Sur la permanence des soins, les gardes et les astreintes, et leur partage entre tous les acteurs d’un territoire, je serai attentif à une stricte égalité de droits et de devoirs entre tous, publics comme privés.

Ces avancées porteront aussi sur le travail de nuit, et de week-end, pour mieux reconnaître ces sujétions, dans une société « post-crise sanitaire », dans laquelle elles sont moins acceptables, mais toujours autant nécessaires à la continuité de fonctionnement de nos établissements, publics comme privés.

Sur ces sujets, l’IGAS me remettra très prochainement ses préconisations, qui seront partagées avec vous tous, et je tiens à rassurer les organisations syndicales sur le fait que nous ouvrirons, dans les toutes prochaines semaines, les négociations, sur ce sujet.

A cette occasion, je souhaite que nous puissions discuter avec les représentants des personnels d’autres sujets structurants et essentiels pour l’attractivité et la fidélisation : l’amélioration de la santé des professionnels, les perspectives d’évolutions de carrière, la dynamisation de la recherche, la lutte contre les violences (bien sûr)… autant de sujets qui sont clés pour transformer durablement nos organisations hospitalières.

Retour sur l’intérim

Ce travail sur les fondamentaux de notre système de santé sera exigeant. De la même façon que l’est le plafonnement des tarifs de l’intérim médical, dont je veux redire ici un mot.

Si nous avons enfin réussi à mettre en oeuvre cette régulation, nous le devons assurément à la mobilisation collective des équipes hospitalières, qui, en lien avec tous les acteurs des écosystème locaux –ARS, collectivités, établissements privés, ont su faire face et garantir, partout, la continuité des soins.

L’État a soutenu et continuera à soutenir les solutions organisationnelles locales, grâce à la mobilisation d’outils comme par exemple la prime de solidarité territoriale, dont les équipes se sont saisies.

Je tiens d’ailleurs ici à saluer l’engagement commun des fédérations hospitalières, publiques et privées dans ce combat.

Je sais que cela n’a pas été une période facile et que des tensions demeurent. Mais c’était nécessaire pour renforcer les équipes à long terme et mieux valoriser celles et ceux qui s’investissent durablement à l’hôpital.

C’est l’état d’esprit que nous devons garder pour les prochains mois, car nous savons que si « la bosse » du mois d’avril – et presque du mois de mai – est passée, l’été devra, comme toujours, aussi être un moment de mobilisation solidaire.

L’État, qu’il s’agisse du Ministère ou des ARS, sera au rendez-vous, pour que nous surmontions collectivement les difficultés, tout en accélérant les améliorations fondamentales, notamment dans nos services d’urgences, nos maternités et nos services de psychiatrie.

C’est aussi dans ce même état d’esprit que nous légiférerons prochainement pour interdire la pratique de l’intérim en début de carrière de soignant. Nos futurs professionnels, dont nous augmentons chaque année le nombre, dans les universités et instituts de formation, verront ainsi leur entrée dans la vie active sécurisée et accompagnée, dans ces équipes et ces services renforcés.

Je veux en profiter pour saluer ici le député Frédéric Valletoux, bien connu de ces travées, engagé avec la majorité sur une nouvelle proposition de loi. Ce texte sera l’occasion de mener un travail conjoint sur certains sujets importants pour nos établissements de santé, mais aussi plus largement pour la santé dans nos territoires, en faisant confiance aux professionnels plus qu’en les contraignant !

Plus le sujet est complexe, plus la méthode pour le résoudre doit être claire et facile à expliquer. Pour moi, elle repose sur ces quatre points cardinaux : équipe, éthique, territoires et dialogue : nous continuons de mettre en actes ces principes !

Gouvernance hospitalière

Toujours pour accélérer la transformation de notre hôpital, vous le savez, une évolution de la gouvernance est également en cours.

Cette évolution de la gouvernance, s’inscrit dans le fil plus long d’un mouvement de (re)médicalisation, qui se tisse depuis quelques années.

Cette réforme s’inscrit aussi dans le sens de l’histoire, et dans la droite logique des politiques que nous portons. Elle acte cette réalité qui s’impose avec la force de l’évidence : celle de travailler ensemble.

Elle vient renouveler et donner une autre dimension au binôme, qui existe dans les faits depuis longtemps sur le terrain, entre le directeur d’hôpital et le président de la commission médicale d’établissement.

L’enjeu est de mieux formaliser, mais également de mieux incarner cette volonté concrète de coopération renforcée entre le corps médical et les décideurs publics, qui doit rester un acquis de la gestion de la crise Covid.

La mobilisation de front des équipes de direction et des responsables médicaux a véritablement été une clef de la résilience des établissements, et je tiens à saluer leur engagement quotidien, avec leurs équipes, pour les patients.

La mission conjointe, confiée au « tandem » Nadiège Baille et Olivier Claris, nous rendra ses conclusions au début du mois prochain pour finir de tracer les contours de cette collaboration.

Je le dis avec la conviction que nous pouvons encore progresser, en capitalisant sur les collectifs de travail existants et sur ce qui fonctionne déjà bien aujourd’hui. Je n’en dis pas plus à ce stade, j’aurai l’occasion d’y revenir plus spécifiquement dans les prochaines semaines.

Ville et urgences

Mesdames et Messieurs, ces changements importants dans l’organisation hospitalière s’inscrivent dans une dynamique de refondation collective, qui embarque tout l’écosystème de la santé, au-delà des murs de nos établissements.

Renforcer l’hôpital et ses équipes, c’est renforcer un pilier qui bénéficie à tout le système de santé.

Cette notion d’équipe, de décloisonnement et de partage des responsabilités, elle s’applique bien entendu, à l’échelle de chaque territoire, dans la coopération entre établissements, comme dans la coopération entre la ville et l’hôpital.

L’exemple des urgences, des soins non programmés et du déploiement du service d’accès aux soins (SAS) l’illustre parfaitement.

Ce SAS, il couvre déjà la moitié de la population et il sera généralisé, grâce à l’appui d’une mission que j’ai lancée il y a quelques semaines maintenant depuis Poitiers, dans chaque département d’ici fin 2023. L’objectif, c’est qu’à toute heure de la journée ou de la nuit, nos concitoyens puissent être orientés vers une réponse adaptée à leur besoin de soin non programmés… aux urgences si cela est nécessaire, ou alors, le cas échéant, dans un autre service ou en ville !

Ainsi, pour que cela soit efficace, nous devons assurer la bonne mobilisation de toute la chaîne des soins non programmés, pour les médecins régulateurs, comme pour les effecteurs libéraux.

Je pense ici aux mesures importantes qui ont déjà été adoptées grâce au règlement arbitral, et qui ont permis d’avancer sur plusieurs dispositions facilitant l’accès aux soins, notamment non programmés.

Je prends l’exemple des urgences et soins non-programmés, parce qu’il est actuel, parce qu’il est parlant, mais la coopération public-privé, elle est à valoriser et à renforcer à tous les niveaux du système de santé et des parcours de soins !

J’ai pour habitude de dire que le système de santé ne fonctionne que s’il est en équilibre sur ses deux jambes que sont la ville et l’hôpital.

En effet, que ce soit pour des situations de premier recours ou des prises en charges plus durables, par exemple dans le cas de patients chroniques ou de sorties d’hospitalisations, le suivi en ville est essentiel dans le quotidien des patients.

Je parlais d’équipe : l’équipe a aussi une valeur fondamentale chez les professionnels de ville, où les parcours de prise en charge sont par nature pluriprofessionnels, notamment dans les Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), que nous voulons généraliser d’ici fin 2023. Elles sont le lieu privilégié de cette coopération, d’une meilleure répartition des compétences de chacun.

Je redis mon attachement à la place centrale du médecin généraliste traitant, et à une reprise prochaine du dialogue, pour aller, ensemble, au-delà de ce règlement arbitral, dans la valorisation de l’engagement des médecins libéraux auprès de la population de leurs territoires.

C’est aussi tout le sens de l’opération d’ « aller-vers » que nous menons avec les caisses d’Assurance maladie, que de mobiliser ces équipes, pour arriver à proposer une solution de suivi adaptée à chaque patient en ALD qui ne dispose pas encore d’un médecin traitant.

Pour revenir –brièvement, aux urgences, au-delà des médecins régulateurs et des effecteurs libéraux, au-delà des assistants de régulation médicale, enfin reconnus à leur juste valeur comme professionnels de santé, j’ai aussi le plaisir de vous confirmer que les décrets prévoyant le régime d’autorisation de la médecine d’urgence seront publiés avant la fin de l’été, à l’issue d’une ultime phase de consultation qui va démarrer dans les tout prochains jours.

C’est important, parce qu’ils comporteront tous les outils nécessaires pour un fonctionnement moderne de nos services d’urgences, en particulier sur le plan territorial, ou sur celui de la régulation de l’accès, comme nous avons pu l’expérimenter depuis l’année dernière.

Mais avant cela, et parce que nous ne pouvons ignorer les difficultés de l’été qui s’annoncent, j’adresserai dans les prochains jours une instruction aux ARS pour que chaque établissement pivot de GHT mette en place, avant juillet, une gestion territoriale des lits d’hospitalisation pour que chaque patient qui en ait besoin bénéficie d’un lit d’hospitalisation et ne passe pas des heures à attendre aux urgences. Nous contribuerons ainsi, collectivement, au désengorgement tant attendu de nos services d’urgence, engorgement insupportable pour les patients et pour tous les professionnels. Certains y ont réussi, tous doivent y parvenir.

Expérience-patient et numérique

Hôpital et ville, établissements publics, privés et associatifs, libéraux et hospitaliers… Cette grande équipe qu’est la santé, elle s’incarne ici à Sant’Expo, en rassemblant chaque année tous les décideurs et professionnels de santé impliqués dans le management, la gestion, le numérique, le parcours de soin, l’expérience patient, l’équipement, les matériels, la construction et la transformation des établissements de santé.

J’ai déjà pu tracer avec vous des perspectives importantes autour de ces thématiques. Je prends le temps néanmoins de m’attarder encore sur deux questions, largement représentées à Sant’Expo, et qui sont majeures dans cette « santé au coeur de la démocratie ».

L’expérience-patient, d’abord : c’est une façon de co-construire la santé que je veux renforcer et pleinement intégrer au fonctionnement hospitalier. Le patient n’est pas, et ne doit pas être, un usager « passif » de l’hôpital et du système de santé.

Son expertise propre fait de lui un chaînon à part entière de son parcours de santé, avec les équipes soignantes qui bénéficient tout autant de ces « regards croisés ».

Tout ce que nous travaillons également sur la « pair-aidance », le partenariat patient mais aussi les nouvelles formes de l’ « aller-vers », participent de ce même mouvement, qui est l’un des fondamentaux de la démocratie en santé.

Et pour faciliter toutes ces nouvelles coopérations que nous mettons en place, le numérique est un outil majeur. C’est le deuxième point sur lequel je souhaitais m’arrêter quelques instants.

Sant’Expo, je l’ai vu tout à l’heure, fait la part belle à la e-santé, avec un village thématique qui lui est exclusivement dédié, où l’on peut retrouver aussi bien les acteurs institutionnels [L’Agence du numérique en santé, la Délégation ministérielle au numérique en santé], que toutes nos start-up créatives et entreprises innovantes.

J’ai présenté, la semaine dernière, après des mois de travail et de concertations, notre nouvelle Feuille de route du numérique en santé 2023-2027, qui développe quatre grands axes et 65 mesures concrètes pour « mettre le numérique au service de la santé  ».

C’est-à-dire rapprocher les usagers de l’accès à la santé, simplifier les procédures administratives, fluidifier les parcours de soins, mieux partager l’information, faire gagner du temps au soignants, mieux armer nos établissements contre le risque cyber… en bref, faire de cette nouvelle réalité numérique, un accélérateur de la démocratie en santé, une chance et un levier pour transformer notre système de santénotre bien commun !

La santé, bien commun supérieur en démocratie

Mesdames et Messieurs, je crois aussi que, parce que l’on parle de « bien commun supérieur » dans notre démocratie, nous devons assumer aussi le caractère précieux de ce bien collectif. Un tel bien, une telle richesse, cela nous oblige.

Cela nous oblige à toujours aller au-devant du progrès et des avancées de la science, pour sans cesse l’améliorer. C’est le sens des investissements, d’une ambition absolument inédite, que nous déployons actuellement pour notre recherche en santé.

Tout autant que notre hôpital et que notre système de santé, le « génie scientifique » français fait partie de notre précieux patrimoine.

Je pense bien sûr aux 7,5 milliards d’euros du plan Innovation Santé 2030, mais aussi à l’annonce, la semaine dernière, de la création de 12 nouveaux instituts hospitalo-universitaires (IHU) et de quatre bioclusters de recherche et d’innovation, venant récompenser et donner vie à des projets d’avenir, représentant toute la diversité et l’excellence de notre recherche, notamment de la recherche hospitalo-universitaire.

Une excellence qui doit rayonner par-delà nos frontières, pour attirer les talents et les innovations, mais aussi les investissements industriels, comme nous l’avons fait à « Choose France », afin que ces progrès puissent être accessibles à tous, dans un système de santé juste et souverain.

Cela nous oblige aussi à bien utiliser ce système de santé, à avoir conscience de sa rareté.

Cela nous oblige ainsi à poser la question du bon usage de nos ressources, de la pertinence des actes et des parcours. A se reposer, parfois, la question de l’efficience de certaines pratiques, ou du bon niveau de recours aux médicaments. Nous engagerons une campagne d’information autour de ces bons réflexes qui peuvent servir à un usage plus sobre de notre modèle.

« Sobriété » ce n’est pas un gros mot, ce n’est pas un synonyme de « moins-disant », car nous devons assumer que notre société ne peut être sans cesse plus consommatrice. La solidarité sur laquelle est fondée notre modèle social elle est aussi intergénérationnelle.

C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que nous engagions, sous l’égide de la Première ministre, un travail spécifique sur la transition écologique de notre système de santé, et de premières annonces ont eu lieu hier dans ce cadre.

Cela nous oblige, aussi, à ce que le « pacte démocratique » qu’est notre système de santé puisse être reposé dans la durée, en nous interrogeant sur la place de chaque acteur. Dans une société qui vit, qui change et évolue, de plus en plus vite, ce pacte social n’est pas un modèle figé mais un travail de tous les jours (Comme Ernest Renan voulait que la nation soit un « plébiscite de tous les jours »). Assumons qu’il fasse l’objet d’un débat civique et démocratique !

C’est ce que nous faisons lorsque nous discutons avec les organismes complémentaires de la place de chacun dans le financement de notre modèle.

C’est aussi ce que nous faisons quand nous cherchons à concilier « bon usage des cotisations maladie » et « lutte contre les dérives de la financiarisation » – et je me battrai pour préserver le système de santé d’un tel mouvement.

Cela nous oblige, aussi, à investir durablement dans la prévention et à établir dans le débat le niveau d’effort que nous sommes prêts à y investir et les engagements qui en découlent pour tous.

Quand on voit l’importance du gradient social de nombreux cancers et pathologies évitables, on voit bien combien la prévention, tout au long de la vie et –surtout, dès le plus jeune âge est un véritable outil d’« égalité des chances en santé », principe fondateur de notre démocratie sociale !

J’ai la conviction que chaque pas que nous faisons aujourd’hui, sur la vaccination contre le papillomavirus, sur le tabac, sur les addictions en général, sur l’activité physique ou encore sur la préservation de notre environnement… chaque pas est résolument investi pour l’avenir de chacun de nos concitoyens comme pour l’avenir de notre système.

Tout ceci nous oblige, donc, à être responsables, et à réfléchir, enfin, sur la durée. A créer les conditions d’une réflexion collective de long terme autour de notre modèle démocratique. A nous remobiliser autour des valeurs qui le fondent.

Conclusion

Mesdames et Messieurs, une date clé dans la construction de l’hôpital public a été la création des centres hospitalo-universitaires (CHU) en 1958 grâce à la réforme de Robert Debré (Ordonnances hospitalières de décembre 1958) qui engagea également la mise en oeuvre d’un vaste programme social « d’humanisation des hôpitaux ».

Et c’est bien cela l’objectif démocratique en fil rouge de la construction permanente de notre système de santé, que de remettre l’humain au coeur du système de santé.

Cette éthique humaniste, c’est celle qui doit encadrer les progrès rapides de la technologie, celle qui doit présider à l’élaboration de toute réforme et être le spectre au travers duquel nous évaluons nos politiques publiques. Pour permettre de « mieux vivre » à l’hôpital, permettre à chaque professionnel de s’accomplir dans un système juste et efficient et de donner toute leur place au patients.

Au rugby – vous savez combien ce sport m’est cher – on dit que « dans une équipe, il n’y a pas de passagers, il n’y a qu’un équipage » (Pierre Villepreux, ancien joueur international et entraineur de rugby).

Et quel bel équipage que forment tous les acteurs rassemblés à Sant’Expo ! C’est pourquoi je compte sur votre investissement collectif, comme vous pouvez compter sur le mien, pour mettre cette éthique et ces valeurs en actes, au service de notre santé collective.

Et pour paraphraser un homme politique bien connu « Yes we can, yes we do, together ! » 

Je vous remercie.