Lancement de la Feuille de route du numérique en santé 2023-2027 - Discours de François Braun

17 mai 2023

Seul le prononcé fait foi.

Monsieur le ministre,
Madame, Monsieur, les responsables du numérique en santé,
Mesdames, Messieurs, en vos grades, qualités et fonctions,

L’histoire de la e-santé est déjà une histoire ancienne ! Ses prémisses remontent aux années 1970, alors que s’enclenche le premier virage d’un bouleversement de la médecine traditionnelle vers une médecine plus moderne, communicante et digitalisée.

Premier systèmes d’informations hospitaliers, premiers robots chirurgiens, premiers projets de dossiers patients informatisés… laissaient déjà entrevoir le potentiel immense de cette « révolution numérique ».

La démocratisation d’Internet dans les années 1990 et 2000, accentue le phénomène de la « e-santé » avec le deuxième virage, celui de la multiplication des possibilités, avec l’aboutissement de projets majeurs, comme la dématérialisation des feuilles de soin, la facturation électronique ou encore la carte vitale.

Emergent, parallèlement, les sujets de régulation et d’éthique. Se pose la question de la place et du rôle des pouvoirs publics, face à cette e-santé, officiellement définie en 1999 comme : « l’usage combiné de l’internet et des technologies de l’information à des fins cliniques, éducationnelles et administratives, à la fois localement et à distance » (7ème congrès international de la télémédecine, Londres, novembre 1999).

La France se dote alors progressivement d’une véritable politique publique autour de la santé numérique, dont découlent de grands plans d’investissements : le Plan Innovation Santé 2030, le Ségur numérique, la Stratégie d’Accélération Santé Numérique.

Et, bien entendu, la première feuille de route 2019-2022 qui nous a permis de rattraper un certain retard sur la e-santé, et d’impulser une dynamique collective ambitieuse.

Les premières « révolutions numériques » sont aujourd’hui passées. Les outils technologiques ne sont résolument plus l’apanage des scientifiques et des laboratoires de pointe, encore moins des « gadgets », réservés à une minorité.

La technologie a radicalement évolué depuis les années 1970. Dans un monde qui change, de plus en plus vite, beaucoup de chemin a été parcouru depuis la première feuille de route du numérique en santé ! L’accélération fulgurante des perspectives offertes par l’intelligence artificielle, rien que ces derniers mois, nous le prouve encore une fois.

La révolution que nous devons désormais réussir, ce troisième virage que nous devons négocier, c’est celui de la systématisation et de la démocratisation des usages du numérique en santé, pour qu’il entre, et se fasse une place dans le quotidien de nos concitoyens et des professionnels.

Aussi, dans une société résolument digitale et interconnectée, l’objet de cette nouvelle Feuille de route est de « Mettre le numérique au service de la santé ».

Cette Feuille de route c’est autant notre carte pour nous orienter à travers ces changements continus, que notre stratégie pour être des acteurs du changement !

Cette Feuille de route l’affirme : le numérique est une chance pour améliorer nos politiques publiques, le numérique est un outil formidable d’accès aux soins, le numérique est un catalyseur de l’innovation pour notre recherche… Le numérique est un levier de transformation majeur pour refonder notre système de santé et le projeter dans l’avenir face à des défis nouveaux : vieillissement de la population, accès aux soins, mais aussi traitement des données et risques cyber, par exemple.

Cette Feuille de route, c’est le cap que nous nous fixons pour les cinq prochaines années, pour renforcer les fondations d’un édifice d’infrastructures numériques déjà très abouti, afin de continuer de construire, ensemble, le cadre d’une santé numérique toujours plus universelle, inclusive et innovante.

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Avancer ensemble, dans une démarche de co-construction systématique : c’est notre méthode pour embarquer les patients, les professionnels et les établissements, les entreprises, les industries et leurs représentants, comme cela a été fait pour la construction de cette feuille de route.

Les briques de cette Feuille de route ce sont notamment les plus de 330 contributions issues d’une grande concertation en ligne, plus de 100 apports complémentaires d’entreprises ou d’associations. Ce sont des rencontres et des échanges dans 18 villes, dont quatre dans les outremers, rassemblant plus de 5 000 participants.

Sous l’égide de la Délégation ministérielle au numérique en Santé (DNS), que je remercie pour ce formidable travail, les acteurs engagés du terrain, avec les administrations centrales, ont permis, en identifiant les problématiques très concrètes, propre à chaque écosystème, de rendre ce document stratégique majeur tout à fait opérationnel, avec des thématiques fortes ressorties, par exemple, sur l’ergonomie des logiciels ou le renforcement de l’inclusion numérique en santé.

Cette méthode, ouverte, innovante et participative, c’est celle du Conseil national de la refondation en santé (CNR Santé).

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que nombre d’initiatives issues des CNR territoriaux s’appuient sur le numérique en santé comme un levier d’accélération des solutions locales. C’est un bel exemple de cette e-santé concrète, utile, proche des gens et des solutions du quotidien.

C’est un bel exemple du numérique « au service de la santé » !

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Les quatre axes de cette ambitieuse stratégie numérique ont déjà pu largement vous être exposés, par nos différents intervenants, que je remercie pour la qualité de leurs présentations, qui est le reflet de leur investissement constant depuis des mois.

Quatre axes prioritaires donc, qui se déclinent en 18 priorités et non moins de 65 objectifs.

La première de ces priorités, c’est la prévention. (Axe 1)

Je prends le temps de m’y attarder quelques instants. Vous savez combien c’est un sujet qui me tient à coeur, ainsi qu’au Président de la République. Je rappelle que je suis tout autant le ministre de la Santé que de la Prévention !

L’innovation numérique nous fait rentrer dans une toute nouvelle dimension, puisqu’elle nous permet d’avancer vers une prévention de plus en plus personnalisée, et de toucher du doigt la possibilité d’une médecine prédictive, grâce à l’analyse de données.

Cette prévention active et personnalisée, elle s’incarne déjà dans un objet numérique très concret : Mon Espace Santé.

Mon Espace Santé, c’est le carnet de santé du XXIe siècle : une plateforme souveraine, un nouveau service public connecté, qui est déjà opérationnel pour 65 millions de Français, et déjà plus de 10 millions de documents ajoutés chaque mois. C’est autant en 1 mois que depuis 2004, dans le Dossier Médical Partagé (DMP), qui l’a précédé.

Chaque bébé qui naît aujourd’hui en France dispose automatiquement d’un espace personnel, qui le suivra tout au long de sa vie, avec notamment toutes les vaccinations obligatoires de l’enfant.

C’est bien cela le numérique en santé qui permet à chacun d’être véritablement acteur de sa santé, d’avoir la main sur ses données, de suivre son état de santé et de bénéficier de cette prévention personnalisée, que je mentionnais.

Pour que l’usage de Mon Espace Santé devienne un réflexe, il faut qu’il soit utile dans le quotidien, c’est pour cela que nous allons notamment :
 

  • Renforcer les synergies entre les différents portails publics dans le champ de la santé. Dès 2024 seront en place les premiers parcours numériques articulés entre Mon Espace Santé, Santé.fr et le compte Ameli. A terme, je souhaite que chacun, depuis un espace numérique unique, puisse avoir accès à ses démarches de santé, à l’information et à la gestion de ses droits d’assurance et de couverture, depuis un tableau de bord global.
  • Lancer les premiers usages de la messagerie Mon Espace Santé dès ce mois de mai, notamment pour l’envoi d’ordonnances au pharmacien. En 2024 je veux que cette messagerie sécurisée soit en place pour permettre des échanges directs avec les différents professionnels de santé et l’envoi de notifications personnalisés de prévention, sur la vaccination et le dépistage, par exemple, en fonction de l’âge et de l’historique médical de chacun.

Je vous parle d’applications, de plateformes, de messageries instantanées… si ces outils vous sont à tous, ici présents, déjà familiers, il ne faut pas oublier que 13 millions de personnes dans notre pays sont encore, à des degrés et pour des raisons diverses, pas tout à fait à l’aise avec ces solutions numériques. Je pense à nos aînés ou aux personnes en situation de handicap.

Mon collègue Jean-Christophe Combe a eu l’occasion d’insister sur ce point, et je le rejoins totalement. Je veillerai à ce que cette Feuille de route concrétise un très haut niveau d’exigence sur la mise en accessibilité de nos solutions numériques, en lien avec tous les concernés, notamment notre partenaire du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).
 

  • D’ici juin 2026 nous aurons formé 10 000 médiateurs au numérique en santé pour accompagner la digitalisation du système et s’assurer qu’il soit résolument une chance pour tous !

Au-delà de Mon Espace Santé, de nouvelles innovations prometteuses émergent chaque jour dans le champ de la santé numérique. Il est essentiel d’accompagner les entreprises et les start-ups, pour garantir un accès rapide aux solutions qui font la preuve de leur efficacité.
 
Je veux continuer d’enrichir le catalogue de solutions numériques référencés qui peuvent s’interconnecter et échanger des informations avec Mon Espace Santé, pour dépasser la barre des 50 applications d’ici fin 2026.

Je pense, par exemple, aux applications qui permettent de faciliter les préadmissions à l’hôpital, ou pour les patients chroniques, comme les diabétiques, de suivre leur maladie.

Tout ceci en veillant à toujours laisser la main au citoyen sur ses données et à en préserver la confidentialité. C’est un enjeu éthique et démocratique majeur, auquel je suis particulièrement attentif et avec lequel nous ne transigerons jamais.

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« Mettre le numérique au service de la santé », c’est le mettre au service des usages quotidiens des Français, pour leur faciliter la vie.

Mais c’est aussi, bien évidemment, le mettre au service des professionnels de santé pour leur faciliter le travail, améliorer leurs conditions d’exercice et leur faire gagner du précieux temps soignant. (Axe 2)

Je suis réaliste, je sais que la numérisation d’une procédure ou encore un nouveau logiciel, peut-être, pour certains professionnels de santé encore parfois vécu comme une charge, quand il faut ressaisir trois, quatre, cinq fois la même information, mémoriser des dizaines de mots de passe différents…

Non, le numérique ne doit pas être une tâche supplémentaire qui plombe des journées déjà trop remplies, mais un outil pour, justement, se décharger de nombreux actes administratif chronophages, et fluidifier les procédures.
 

  • C’est pour cela que je veux renforcer l’interopérabilité des différentes solutions numériques et intégrer directement Mon Espace Santé aux logiciels métier en ville et en établissement.
  • La formation des professionnels à ces nouveaux usages de la e-santé est aussi essentielle. D’ici 2027, une formation au numérique en santé sera intégrée à l’ensemble des formations initiales du sanitaire, du social et du médico-social, ce qui représente 500 000 élèves.

Tout cela doit, in fine, permettre de gagner du temps pour nos professionnels, autant de temps supplémentaire pour se concentrer sur leur coeur de métier, qui est de s’occuper des patients.

J’insiste là-dessus, parce que c’est majeur alors que notre système de santé fait face à des tensions importantes en termes de ressource médicale !
 

  • Je veux que les professionnels puissent accéder en un clin d’oeil à tout l’historique médical de leurs patients, avec, notamment, d’ici 2025 l’accès aux comptes rendus d’imagerie, pour visualiser des examens réalisés n’importe où sur le territoire.

C’est une simplification majeure du quotidien professionnel, qui peut aussi sauver des vies. Je pense à une situation d’urgence où un patient arrive inconscient à l’hôpital : le médecin qui le prendra en charge pourra s’assurer en quelques secondes de ses antécédents, de ses allergies éventuelles à un médicament, ou de son groupe sanguin, si une transfusion était nécessaire.

La e-santé « partenaire » des professionnels, c’est aussi des possibilités accrues de soutien à l’expertise médicale. Je pense, par exemple, au domaine de l’imagerie médicale, où l’intelligence artificielle ouvre une réelle plus-value dans le diagnostic radiologique pour les praticiens, qui peuvent alors se focaliser sur d’autres tâches, comme la relation avec le patient.

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Pour les patients et les professionnels, nous l’avons vu, le numérique en santé est levier d’amélioration et de fluidification des parcours de soins.

La e-santé est également un outil concret pour l’accès aux soins, particulièrement dans les zones plus isolées ou moins denses en professionnels de santé. (Axe 3)

En particulier, les progrès de la télémédecine, en supprimant la notion de distance, constituent véritablement une solution pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens, par exemple ceux qui peuvent avoir des difficultés de transport, et éviter ainsi les renoncements aux soins.

Nous avons des objectifs ambitieux pour le développement de la téléconsultation :
 

  • D’ici 2025, je souhaite que 1 million de patients chroniques aient pu bénéficier d’au moins un acte de télésanté dans leur parcours.

La e-santé est un outil de résorption des inégalités géographiques en santé, dans les actes du quotidien, comme dans les prises en charges urgentes.
 

  • Alors que nous déployons le Service d’Accès aux Soins (SAS) dans tous les départements, les acteurs de la chaîne de régulation pourront avoir, en temps réel, accès aux disponibilités des professionnels du territoire, pour adresser au mieux les soins non programmés, et ainsi soulager nos services d’urgences en tension, grâce à la généralisation de la plateforme numérique SAS.
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Vous l’aurez compris, Mesdames et Messieurs, cette feuille de route doit nous permettre d’ancrer, grâce à des mesures concrètes, la e-santé, au service de tous. Car le numérique emporte des opportunités formidables pour créer un système de santé plus fluide, plus juste et plus efficace.

Des nouvelles opportunités, qui sont aussi associées à des risques nouveaux, qu’il faut gérer et anticiper, en déployant un cadre propice pour le développement des usages et de l’innovation numérique en santé. (Axe 4)

En particulier, la vigilance cyber doit être décuplée, avec des moyens à la hauteur des enjeux, qui sont immenses.

Je refuse que nos hôpitaux puissent être la cible privilégiée de pirates.

Je refuse que les données de santé de nos concitoyens puissent être pillées et revendues par des cybercriminels.
 

  • Une feuille de route spécifiquement dédiée aux données de santé sera d’ailleurs construite d’ici la fin de l’année. J’ai confié une mission à Jérôme Marchand-Arvier pour la préfigurer.
  • Parce que la Santé est un champ éminemment sensible, particulièrement exposé à ces menaces, j’ai installé en décembre dernier un comité de pilotage interministériel, dédié à cette question de la cybersécurité des établissements de santé.
  • Et pour mieux armer les établissements, je veux qu’ils consacrent, au plus tard en 2027, en moyenne au moins 2% de leur budget au numérique dont 10% sur la cybersécurité, et que des exercices de crise cyber soient réalisés, au moins une fois par an.

Un cadre de sécurité abouti, adossé à une régulation répondant à de hautes exigences éthiques, c’est ce qui nous permettra d’assurer le développement de cette innovation numérique juste et utile, et de maintenir le niveau d’attractivité de notre pays, pour les entreprises et les talents de la e-santé du monde entier.

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Mesdames et Messieurs, depuis la première Feuille de route du numérique en Santé, que de chemin parcouru en quatre ans !

Nous avons bâti ensemble les fondations, la base technique, qui manquaient à notre système.

C’est grâce à ces avancées majeures que nous allons à présent franchir un nouveau cap : celui de l’usage, pour faire du numérique une réponse aux défis de notre système de santé.

La route est encore longue, mais nous avons tout pour réussir. Les compétences, les talents, une vision et des moyens, qui s’incarnèrent dans cette nouvelle Feuille de route.

Winston Churchill disait « Que la stratégie soit belle est un fait, mais n’oubliez pas de regarder le résultat » (However beautiful the strategy, you should occasionally look at the results).

Cette Feuille de route est un nouveau point de départ, nous devons nous désormais nous mobiliser collectivement pour en atteindre chacun des objectifs ambitieux.

J’ai parlé de la richesse de la mobilisation qui a permis son élaboration. Cette belle énergie nous devons la maintenir et la faire vivre, pour avancer dans ces grands chantiers et « mettre le numérique au service de la santé ».

L’Etat, le Gouvernement sera présent et donnera les moyens à tous les acteurs engagés. Je peux alors vous faire ici une dernière annonce, et pas des moindres :
 
Le décret actant officiellement le rôle de la délégation ministérielle au numérique en santé (DNS), comme une entité administrative à part entière des services de mon ministère a été publié hier, comme la reconnaissance de son rôle essentiel et l’importance prioritaire que nous accordons à ces sujets !

Aussi, Mesdames et Messieurs, il ne me reste plus qu’à vous remercier, chacune et chacun, qui ont pris part à l’élaboration de cette feuille de route, et à vous dire que je compte sur vous, tout autant que vous pouvez compter sur moi pour la suite, qui commence dès aujourd’hui !

Je vous remercie.

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