Discours de clôture - CNR Santé plénier

3 mai 2023

Seul le prononcé fait foi.

Madame la Ministre, Chère Agnès,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Directeurs Généraux,
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités,
Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Des millions de professionnels au service de 67 millions de Français. Fonctionnaires, libéraux et salariés. Équipes soignantes, aidantes et administratives. Cet édifice, notre système de santé, est notre bien commun et vous en êtes les représentants.

La Santé, on en parle souvent comme d’un secteur en crise. Sans nier des difficultés, structurelles, qui appellent des évolutions profondes, il faut souligner combien le système de santé français est dynamique.

En témoignent les différentes interventions et initiatives qui viennent de nous être présentées. Notre système de santé est plein de ressources, je suis fier de ces hommes et ces femmes, et je voulais commencer par leur rendre hommage.

Mesdames et Messieurs, refonder ce n’est pas colmater les brèches. Refonder ce n’est pas se dire que c’était mieux avant, ou que c’est mieux ailleurs.

C’est dans cet état d’esprit que j’ai lancé, le 3 octobre dernier, au Mans, devant vous, le Conseil national de la refondation en santé (CNR Santé).

Refonder, c’est une nouvelle méthode pour construire ensemble un cap, celui du vivre en bonne santé, selon des principes clairs et fermes sur lesquels je vais revenir. Oui, je ne suis pas un politique professionnel, de carrière. Je suis un soignant devenu responsable public, engagé au service des Français auprès du président de la République et de la Première ministre. Un
engagement au service des Français qui savent que la situation est difficile et parfois s’aggrave.

A la tête de ce ministère, avec la ministre déléguée Agnès FIRMIN LE BODO, nous déployons depuis 10 mois une feuille de route exigeante : lutter contre les inégalités d’accès à la santé en restant fidèles à nos principes :

  • le premier de ces principes, c’est l’éthique : vous le savez, il est pour moi essentiel. Parce qu’on ne construit bien que sur des bases solides, j’ai fait de l’assainissement de notre système de santé une priorité. C’est ce qui nous a fait tenir bon sur le plafonnement des tarifs de l’intérim médical. Demain, c’est ce qui doit nous conduire, ensemble, à continuer d’agir pour une juste régulation du système.
  • le deuxième principe, c’est l’équipe : travailler ensemble. Cela peut paraître simple… nous savons tous que cela ne l’est pas toujours. Mais nous savons aussi combien c’est absolument majeur, et en ce sens les acteurs locaux nous montrent qu’il est possible de dépasser des postures ou rigidités nationales. L’avenir est dans la coopération : entre médecins et soignants, entre ville et hôpital, entre soignants et personnels administratifs. Tous ceux qui voudront bâtir des solutions en capitalisant sur des concurrences stériles, ne nous feront que perdre du temps.
  • le troisième principe, c’est la confiance dans les territoires : la façon dont nous avons abordé la question des urgences, des soins non programmés, de la régulation de l’intérim, le démontre : les solutions sont dans les territoires.
  • enfin, dernier principe, le dialogue : je ne pense ni possible, ni souhaitable, de créer des solutions contre les professionnels de santé, nos concitoyens ou les élus.

J’en profite pour m’arrêter un instant sur un sujet important : vous connaissez ma position par rapport aux mesures de coercition. Certains y voient un remède attractif et oublient que cela conduira à des rigidités administratives et des contraintes qui seront contreproductives. Cette coercition n’est d’ailleurs pas ce qui est remonté de nos échanges sur les territoires. Je le dis donc avec respect, attention aux Pyrrhus de la santé, qui tout occupés à leur victoire politique, risquent de détériorer plus encore la médecine générale, cette médecine de proximité, cette première ligne de la mêlée, ce pilier que nous voulons renforcer.

Ces débats toutefois, auront lieu, notamment au Parlement, il ne s’agira pas de les esquiver. Ma conviction, c’est le dialogue et les responsabilités partagées, par l’organisation au niveau local, par la confiance plutôt que la défiance. Aussi, alors que le règlement arbitral vient d’être publié entre les médecins et l’Assurance maladie et qu’il permet d’avancer sur plusieurs dispositions
importantes pour faciliter l’accès aux soins, je redis mon attachement à une reprise du dialogue.

Je serai ainsi attentif à ce que les partenaires conventionnels puissent, dans les prochaines semaines, échanger sur les modalités, le calendrier et les axes pour une possible reprise des négociations, pour aller au-delà de ce règlement arbitral dans la réponse aux attentes des professionnels et de nos concitoyens.

Car oui, notre système de santé avance par le dialogue social. Je salue les avancées récentes des professionnels libéraux avec l’Assurance maladie :

  • Pour les sages-femmes, avec la reprise des discussions et la publication de l’avenant relatif à la mise en place de sagefemmes référentes, un vrai progrès pour l’accompagnement des femmes enceintes.
  • Pour les transporteurs sanitaires, il y a 15 jours, ce qui consolide le rôle de ces acteurs clés dans la chaîne de soins.
  • Enfin, je veux souligner l’importance des négociations engagées en avril avec les syndicats de chirurgiens-dentistes libéraux pour renforcer la place de la prévention et la santé bucco-dentaire. Sur la base de ces principes, notre échange d’aujourd’hui est une occasion importante de partager avec vous les acquis de ces derniers mois et les perspectives à venir d’ici la rentrée.

Commençons par un retour sur la démarche CNR en tant que telle. Elle est née, vous le savez, de la promesse du président de la République de repenser en profondeur l’action publique. De sortir de ces travers que nous connaissons : l’hypercentralisation, l’uniformité parfois excessive de nos politiques publiques, la verticalité et, au final, le ressenti d’une déconnexion entre les décideurs et la réalité du terrain.

L’État doit être garant, au plan national comme local, de ce qui fonde le service public : l’équité, l’attention portée aux plus fragiles, la lutte contre les inégalités, le bon usage des deniers publics… Mais il doit le faire par la confiance en direction de nos concitoyens et de nos professionnels.

Cette démarche du CNR santé, finalement, ce n’est que cela : acter des partenariats et des solidarités qui se nouent au service des Français, et que l’État a pour rôle d’accompagner et de faciliter. L’État facilitateur, c’est celui qui réforme, pour faire évoluer, adapter le cadre national face à des verrous ou à des situations de blocage identifiés. L’État facilitateur, c’est celui qui crée de l’agilité, pour décliner la politique nationale en fonction des réalités territoriales, en laissant les marges de manoeuvre nécessaires aux acteurs et aux territoires. Je veux prendre le temps ici de remercier pour leur immense engagement quotidien, les réseaux des ARS et de l’Assurance maladie.

Le travail que nous conduisons parallèlement pour renforcer les capacités des délégations territoriales, en lien avec les élus locaux et tous les partenaires de la santé, doit permettre d’aller encore plus loin.

Tous les témoignages entendus cet après-midi me font dire que ce pari nous avons eu raison de le faire, parce que ça marche.

Je tiens à vous remercier, d’être venus de Corse, du Val-d’Oise, de la Loire et des Pyrénées-Atlantiques jusqu’à nous, au ministère. À travers vous, je remercie aussi les 10 000 Françaises et Français, toutes celles et ceux, soignants, élus, citoyens, qui, à travers la France, se sont mobilisés pour ces travaux, y compris en soirée, y compris aussi les week-ends.

Cela nous conforte dans la nécessité de poursuivre cette dynamique. Oui, la Santé a besoin de ce lieu où les parties prenantes peuvent porter ensemble des solutions au niveau de chaque territoire. C’est la raison pour laquelle, avec les parlementaires, nous allons travailler à pérenniser de ces CNR territoriaux dans tous les départements :

  • Pour systématiser cette démarche de co-construction sur la base d’un état des lieux partagé et d’objectifs prioritaires d’accès à la santé. La santé est l’affaire de tous ! Le ministère fournira un appui méthodologique et des ressources de formation aux équipes locales pour faire vivre ces collectifs de solution dans tous les territoires.
  • Pour permettre à l’État central de répondre présent face aux diagnostics et aux « irritants » qui nous sont remontés, et qui doivent continuer à nous alerter. Nous voulons engager des réformes concrètes pour les professionnels comme pour les citoyens.

Quelques exemples :

  • Premier exemple : L’engagement pris de contacter et accompagner chaque Français en ALD pour qu’il ait un médecin traitant. C’est la plus grosse opération d’aller-vers de l’histoire en dehors de la crise sanitaire Covid, dont j’ai voulu la mise en oeuvre grâce à la mobilisation de chaque CPAM, localement.
  • Deuxième exemple : Le zéro papier dans les relations entre les médecins libéraux et l’Assurance maladie et aussi l’engagement d’une réponse rapide et téléphonique en cas de difficulté. Engagement pris en mars dernier qui répond à ce qui nous est demandé sur le terrain.
  • Troisième exemple : Mettre fin au retard inacceptable pris dans le traitement de la situation des PADHUE, et je souligne ici le travail conduit par la ministre déléguée. Car ce qui est ici un dossier administratif, est une ressource médicale précieuse pour les équipes hospitalières de nos territoires.

Pour libérer l’émergence de projets territoriaux et accélérer leur déploiement. C’est évidemment l’objectif des financements dédiés au soutien des initiatives nées du CNR. Ce sont 30 M€ dès cette année, pérennes je précise, mais à terme, c’est le sens même du Fonds d’Intervention Régional que d’accompagner les projets issus des concertations en format CNR. C’est aussi le cas de la généralisation du droit de dérogation désormais reconnu aux ARS pour adapter les politiques de santé aux territoires et simplifier les démarches, annoncé avec la Première ministre le mois dernier dans l’Aveyron.

À titre d’exemple là aussi, avoir accès à un guichet unique pour s’installer, muter, ou monter un projet, a été plébiscitée par la plupart des professionnels dans les CNR territoriaux. Aussi, je lancerai dans le courant de ce mois de mai une mission avec des élus pour identifier les conditions de succès du déploiement des guichets uniques partout en France. Cette mission s’inspirera aussi des réussites, dont celle partagée ce jour !

Autre exemple de projet à accélérer, la plupart des CNR territoriaux ont remonté la difficulté à soigner les personnes les plus éloignées de notre système. Plusieurs projets ont montré l’intérêt d’une mobilisation de professionnels non soignants, aux côtés des soignants. Dans cette dynamique, j’ai confié au Docteur Philippe DENORMANDIE, à Alexandre BERKESSE et à Émilie HENRY le soin de nous faire des propositions pour le déploiement plus massif de ces nouvelles formes d’« aller-vers » et pour la consolidation des activités de médiation en santé. L’objectif, est d’aller toucher cette frange de nos concitoyens (20%, dit-on), qui sont éloignés durablement de notre système de santé, en lien avec les dispositifs de patients-partenaires, de pairs-aidants et les associations représentantes d’usagers.

Vous l’aurez compris, c’est bien cette ambition de dialogue fécond entre les échelons territorial et national qui est au coeur de l’engagement CNR. Ce dialogue c’est notre méthode et le vecteur de notre réussite collective.

L’entrée en vigueur, il y a aujourd’hui un mois exactement, de la réforme plafonnant les rémunérations des praticiens intérimaires à l’hôpital en est un démonstrateur important. Éthique / Équipe / Territoires / Dialogue sont les clés de la mise en oeuvre de cette réforme. Je tiens à saluer, et même, j’ose, féliciter avec solennité l’engagement dont ont fait preuve les administrations de ce ministère, en central comme en local, en lien avec les réseaux des finances publiques, ainsi que les associations d’élus, les fédérations hospitalières, publiques et privées et bien sûr tous les médecins et soignants dans nos hôpitaux ; c’est parce que nous avons tenu ensemble, que nous avons été crédibles et que nous avons pu mettre en oeuvre cet encadrement, là où beaucoup nous prédisaient l’échec et la reculade, comme par le passé.

Nous avons collectivement franchi l’obstacle pour deux raisons :

  • D’abord parce qu’être soignant, c’est avoir des valeurs. Certains trouvent cela naïf, pour ma part je trouve cela fondamental.
  • Ensuite par ce que nous avons encore approfondi la dynamique de solidarité territoriale que je prône depuis l’été dernier : des solutions ont été travaillées partout, au cas par cas, en fonction du contexte local, en lien avec les collectivités et les élus. En mobilisant tous les outils, et en particulier la prime de solidarité territoriale (PST), qui rémunère les praticiens qui prêtent main forte dans les établissements en difficulté… et qui, d’une certaine manière, incarnent très
    concrètement l’hôpital territorial que nous appelons tous de nos voeux.

Bien sûr, je mesure les immenses efforts que vous avez dû tous faire pour passer ce cap. Et je mesure aussi pleinement que des fragilités persistent, très souvent antérieures à cette décision. A cet égard, nous devons maintenir la plus grande vigilance pour le mois de mai en cours, ainsi que pour l’été qui s’annonce.

Alors quelles perspectives désormais dans les suites de la loi « Rist » ? Comment résout-on durablement, par le dialogue et la coconstruction, des fragilités qui existent parfois depuis des années ?

Le chemin est propre à chaque territoire, et le rôle de l’État sera d’être en appui, de renforcer les outils disponibles, et de garantir la qualité et sécurité des soins pour nos concitoyens.

1/ Nous devons travailler dans tous les départements les parcours de soins, à l’occasion notamment des projets régionaux de santé, et trouver des réponses pour les spécialités les plus en tension. Le partage entre les acteurs doit être juste, les activités dites les moins « rentables » doivent continuer d’être prises en charge par tous, en gardant le besoin du patient et des habitants du territoire comme seul aiguillon.

Je veux ici dire un mot des services hospitaliers qui font face à des tensions particulières et concentrent les difficultés. Je pense à nos services d’urgences, à nos maternités, et à nos services de psychiatrie.

Nos urgences. Ce n’est pas un hasard si le président de la République en ait fait une priorité de notre politique de santé : impossible de ne pas paraître suspect compte tenu de mon parcours… mais je crois pouvoir dire qu’aux urgences se conjuguent toutes les difficultés qui frappent notre système de santé. L’amont, avec la continuité des soins. L’aval, avec les blocages de filières de prise en charge, à cause des lits fermés faute de ressource médicale ou paramédicale suffisante. Et parfois aussi des organisations des services d’urgences qui doivent être améliorées. Face à la crise, nous avons déjà apporté des solutions importantes l’été dernier. Nous devons poursuivre ce travail, pour tenir l’engagement pris par le président de la République de « désengorger nos services d’urgences d’ici la fin de l’année 2024 » :

  • Nous généralisons les Services d’Accès aux Soins (SAS) dans tous les départements, pour qu’à toute heure de la journée ou de la nuit, nos concitoyens puissent être orientés vers une réponse adaptée à leur besoin de soin non programmé. J’ai lancé la semaine dernière à Poitiers une mission d’accompagnement à cette généralisation des SAS. Le maximum de SAS doit être déployé d’ici l’été, et tous d’ici la fin de l’année.
  • Dans ce cadre, nous poursuivons les efforts entamés pour mieux valoriser le métier d’assistant de régulation médicale, qui est devenu une profession de santé à la faveur de la loi Rist, et mobiliser toute la chaîne des soins non programmés, avec les mesures prévues par le règlement arbitral pour la rémunération des médecins régulateurs et des effecteurs libéraux. Nous devons, en complément, généraliser rapidement les bonnes pratiques de gestion des lits en les étendant systématiquement à l’échelon territorial, et en impliquant toujours établissements publics et privés.
  • Nous bénéficierons bientôt en outre d’un cadre réglementaire rénové d’autorisation, pour mieux accompagner les organisations territoriales mises en place sous l’égide des ARS (régulation, antennes…). Je le redis, une fermeture sèche, sans prévenance, d’un service d’urgence, sans solution alternative pour la population, n’est pas acceptable dans notre pays.

Cadrage national, boite à outils de solutions territoriales, responsabilisation des acteurs, voilà ma méthode.

Plus globalement, et toutes les réunions CNR l’ont dit : il nous faut un contrat clair dans les territoires sur la permanence des soins dans les établissements de santé.

La permanence des soins ne peut et ne doit plus être supportée par les seuls établissements publics. Elle ne peut et ne doit plus être assumée par un nombre insuffisant de médecins, imposant un rythme de garde incompatible avec un exercice professionnel pérenne. La mission que j’ai confiée à l’IGAS me rendra ses conclusions dans les semaines qui viennent. Je souhaite que nous fixions avant l’été le nouveau cadre d’action en la matière, dont je tiens à ce qu’il soit fait d’engagements réciproques : un meilleur partage de la charge entre tous les acteurs, mais aussi une meilleure valorisation de l’effort consenti. Les parlementaires se sont emparés de ce sujet sur lequel nous sommes collectivement attendus.

Au-delà des urgences, je veux aussi dire un mot de nos maternités. Les difficultés auxquelles font face les maternités sont souvent un sujet de cristallisation des inquiétudes. On le comprend : on y donne la vie ! J’ai de mon côté un objectif principal : que toutes les femmes enceintes, partout en France, puissent accoucher dans les meilleures conditions. En trouvant un équilibre entre proximité et sécurité. Je veux le répéter ici : le Gouvernement, le ministère de la Santé n’a aucune politique ou objectif volontariste de fermeture de maternités. Le juge de paix : c’est la sécurité des patientes et de leurs enfants.

Sur ce sujet ô combien important, il faut construire une réflexion nouvelle, car les inquiétudes des Françaises et des Français sont le reflet de questions légitimes et car les professionnels nous alertent par tous canaux sur les risques du statu quo. Les organisations territoriales et les parcours sont au coeur de cette réflexion. Nous avons de nombreux exemples, dont certains très
récents.

Je souhaite donc missionner conjointement des élus et des professionnels pour étudier avec l’ensemble des acteurs concernés les pistes d’évolution possibles autour de la santé des femmes et des nouveau-nés, pour identifier les organisations innovantes qui fonctionnent dans une approche territoriale, mais également pour améliorer les conditions d’exercice des professionnels et favoriser l’exercice mixte ville / hôpital, pour les sages-femmes par exemple.

Je tiens également à réaffirmer l’importance que j’accorde à la santé mentale et à la situation de la psychiatrie. Je n’ignore pas le climat actuel d’inquiétude, face aux difficultés
fortes auxquelles fait face la psychiatrie, particulièrement dans le secteur public.

La feuille de route Santé mentale et Psychiatrie a été lancée il y a bientôt 5 ans. Elle s’est enrichie et renforcée des mesures du Ségur de la santé, puis des 30 mesures des Assises, clôturées par le président de la République, en septembre 2021.

Ces mesures tracent le chemin d’une ambition forte pour ce secteur, avec des avancées concrètes. Elles ont permis d’engager les évolutions commandées par le contexte, les besoins et les attentes.

J’ai en outre demandé à la Commission nationale de la psychiatrie, que je remercie de son engagement, d’approfondir le travail sur les solutions possibles pour renforcer la psychiatrie et la pédopsychiatrie, de réfléchir, par exemple, sur une adaptation des effectifs à la charge en soins, ou d’autres mesures d’attractivité pour les professionnels du secteur.

Je souhaite aussi que l’on accélère sur le renforcement de la promotion du bien-être mental, la prévention et le dépistage précoce de la souffrance psychique, particulièrement chez les enfants et les jeunes. Que l’on renforce la coopération entre les acteurs de la santé mentale dans les territoires. Ou encore que l’on consolide et encadre la pair-aidance professionnelle.

Ces priorités, que j’ai rappelées à Lyon il y a quelques semaines, marquent là encore notre volonté d’associer tous les acteurs à la construction des solutions, dans une logique territoriale.
Elles feront. Cette priorité fera l’objet d’un suivi renforcé puisque je réunirai, dès l’automne un nouveau Comité stratégique.

J’ai fait le choix d’évoquer ici quelques parcours plus critiques dans certains territoires, et sur lesquels l’État prendra sa part pour faire connaître les solutions possibles et soutenir l’initiative des acteurs.

Les acteurs locaux doivent s’emparer de ces questions sans s’y limiter par ailleurs. Je le dis, nous serons à leur côté.

Je n’oublie pas, bien sûr, les parcours concernant nos enfants et adolescents, et les travaux menés pour préparer les assises de la santé de l’enfant et de la pédiatrie. J’en profite pour remercier ici le Pr Christèle Gras Le Guen et Adrien Taquet, qui coordonnent la préparation de ce qui reste l’une de mes priorités.

2/ Je souhaite en outre, dans les perspectives que l’on se fixe, que les CNR territoriaux soient le lieu où les coopérations de toute nature trouvent du soutien. Les initiatives des professionnels émergent partout sur nos territoires, pour répondre aux carences observées dans l’accès aux soins de nos concitoyens, mais pas seulement, aussi parce que ces modes d’exercice pluriprofessionnels, coordonnés, correspondent mieux aux aspirations des soignants eux-mêmes.

Cette notion d’équipe permettant, autour du médecin traitant, de mieux prendre en charge les patients et de garantir la traçabilité de toutes les interventions, nous devons la soutenir résolument.

La proposition de loi, portée au Parlement par la députée Stéphanie RIST, et qui sera définitivement adoptée la semaine prochaine, fixe un cadre plus souple pour avancer dans les territoires.

L’exercice coordonné c’est avant tout des projets et des collectifs qui misent sur leur complémentarité, pour offrir le meilleur cadre d’exercice possible aux professionnels, et le meilleur niveau de soin de proximité aux patients, pour conjuguer l’exercice libéral avec l’appartenance à un collectif.

En témoigne la réussite des Maisons de Santé pluriprofessionnelles, qui sont 2 000 sur le territoire, un chiffre, Agnès l’a rappelé, que nous voulons doubler pour atteindre au moins 4000 d’ici 2026. Cet exercice pluri professionnel se complète par de nouveaux métiers.

Je pense ici, par exemple, au déploiement des infirmiers en pratique avancée (IPA), au développement des assistants médicaux (dont je rappelle que l’objectif que nous portons est qu’ils soient 10 000 à la fin de l’année 2024), ou encore à la création du métier d’assistant
dentaire de niveau 2 qui permet 30% de temps médical supplémentaire pour le chirurgien-dentiste.

J’ai pu le constater moi-même sur le terrain, avec des modèles aussi riches qu’innovants qui voient le jour partout en France :

  • En Aveyron, où la maison de santé de Salles-Curan apporte une réponse de santé aux habitants de ce territoire rural et attire de nouveaux professionnels de santé ;
  • À Marseille, au centre de santé des Aygalades, structure rattachée à l’AP-HM, qui participe à réduire la fracture territoriale entre les quartiers Nord et le reste de la cité phocéenne ;
  • Ou encore, la semaine dernière, à Vendôme dans le Loir-et-Cher, avec le président de la République. La Maison de Santé Universitaire y accueille de jeunes internes du CHU de Tours.

Pour que ces coopérations se déploient, les CPTS ont un rôle clé à jouer, par leur force d’initiative et d’organisation, de même que les GHT doivent prendre leur part dans cette organisation territoriale et dans le dialogue nécessaire entre la ville et l’hôpital.

C’est bien cela la refondation : créer des collectifs qui permettent de conjuguer liberté et responsabilité. Et je me félicite que la prochaine proposition de loi « santé et territoires », et je salue le député Frédéric VALLETOUX, présent aujourd’hui, porte cette ambition : ce sera la pérennisation très concrète de cette démarche portée par les CNR territoriaux.

À l’appui de toutes ces dynamiques territoriales, je continuerai, avec vous, d’engager les réformes fondamentales sans lesquelles notre projet de santé pourrait s’essouffler.

Sans revenir sur l’ensemble de la feuille de route, je tiens à m’arrêter sur quelques jalons de ces prochaines semaines que je n’ai pas encore évoqués :

1/ Le travail se poursuivra sur la régulation de notre système de santé et le bon usage de celui-ci. Les abus minent la confiance, et détournent nos forces soignantes. Nous continuerons d’avancer :

  • Nous mettrons en application le nouveau cadre légal, porté par la présidente de la Commission des Affaires sociales, Fadila KHATTABI, pour lutter contre les dérives des centres de santé dentaires et optiques.
  • Nous engagerons la réflexion sur le modèle à promouvoir des centres de soins non programmés, pour éviter les dérives.
  • Nous travaillerons avec les parlementaires pour que la loi interdise de démarrer son exercice professionnel par de l’intérim.

2/ Au-delà des discussions conventionnelles qui s’organisent ou s’organiseront avec les professionnels libéraux, nous tiendrons l’engagement d’une plus grande reconnaissance des soignants qui s’engagent à l’hôpital. C’est le sens de la négociation que j’ai souhaité ouvrir, à compter de ce mois de mai, avec les organisations syndicales représentatives des praticiens hospitaliers. Parce que c’est grâce à des équipes médicales solides et pérennes que nous redresserons l’hôpital, nous assumons de mettre sur la table des sujets importants, comme les modalités de déroulement des carrières hospitalières, ou encore la facilitation des fins de
carrières. Nous traiterons aussi du sujet des retraites pour les personnels médicaux, en particulier hospitalo-universitaires. Et nous assumons que nous devons mieux rémunérer la sujétion et la pénibilité que représente le travail de nuit dans les établissements de santé, pour tous les professionnels de santé. Ces discussions devront aboutir pour le prochain PLFSS.

3/ Je lancerai officiellement sous une dizaine de jours, en lien avec toutes les parties prenantes, et notamment les régions, les travaux de refonte du métier infirmier ! L’attractivité de ces parcours doit être au coeur de nos ambitions. Tous vous le dites, et les CNR territoriaux en ont fait un point majeur d’alerte. C’est donc tout naturellement une priorité forte du Gouvernement que d’investir durablement dans les métiers de la santé, avec méthode et dans une action interministérielle sous l’égide de la Première ministre.

L’objectif est de maintenir nos forces vives, assurer leur équilibre professionnel, et inciter les plus jeunes à les rejoindre, sans jamais perdre de vue l’impératif de sécurité et de qualité des soins.

L’ambition sera plurielle, avec notamment l’engagement de :

  • Clarifier nos besoins démographiques à l’horizon 2030-2040, grâce au travail déjà engagé, au niveau national mais aussi via un tour des régions, par l’Observatoire National de la Démographie des Professions de Santé (ONDPS). Nous aurons un premier rendez-vous en septembre pour partager les hypothèses.
  • Diversifier les voies d’accès au métier grâce à la VAE, à l’apprentissage, ou encore aux parcours réussite.
  • Sécuriser les parcours et ne pas capituler devant les abandons en cours de formation !

Sortir d’une logique d’exercice professionnel déclinée en actes qui conduit à passer par la loi pour permettre à une infirmière de soigner une plaie ! et promouvoir une approche du métier par missions. Je vous donne rendez-vous le 12 mai pour un séminaire multiprofessionnel : cette démarche métiers est évidemment au coeur de la refondation, qui la rendra possible.

4/ Nous aurons d’ici l’été plusieurs rendez-vous pour favoriser la qualité de vie au travail dans nos hôpitaux, et renforcer la force des collectifs au-delà des cultures professionnelles. Les travaux sur la médicalisation de la gouvernance ou sur les modalités de revitalisation du service qui me seront remis prochainement nous permettront d’avancer.

5/ Pour mobiliser toutes les opportunités des nouvelles technologies et de la e-santé au service de l’accès aux soins, je présenterai le 17 mai notre nouvelle Feuille de route du numérique en santé 2023-2027 qui a fait l’objet d’une très large concertation, et qui doit poursuivre, en l’approfondissant, la transformation ambitieuse déjà engagée : nous continuerons à faire de la France une nation à la pointe de ces questions sur le plan international.

6/ La recherche et l’innovation doivent aussi servir à améliorer la santé de nos concitoyens, et à motiver les professionnels dans leurs carrières. Nous présenterons un plan d’action ambitieux d’ici l’été avec la ministre Sylvie RETAILLEAU.

7/ La prévention, cet outil majeur « d’égalité des chances en santé », fera l’objet d’un premier comité de pilotage national dans les prochaines semaines, pour dresser un premier bilan de nos avancées, préciser certaines réformes importantes comme les bilans de prévention aux âges clefs de la vie ou la campagne de vaccination contre le papillomavirus, tirer les conclusions des assises de la Pédiatrie et de la Santé de l’enfant et tracer de nouvelles perspectives.

8/ Enfin, nous continuerons à adapter nos stratégies de financement aux objectifs que nous portons. À ce titre, nous trouverons ensemble la voie pour poser les briques d’un nouveau
mode de financement des établissements de santé, en évitant que tout change pour que rien ne change ! La rémunération des files actives, un financement par capitation, seront aussi utilement au menu de l’agenda de discussion avec les médecins libéraux.

Les évolutions engagées sont nombreuses. Il nous faut les faire vivre au plus près de nos concitoyens et de nos professionnels de santé. « Changer la vie », au quotidien, de nos concitoyens. C’est bien cela l’objectif de la refondation en santé et de l’ensemble du Gouvernement, comme l’a rappelé la Première ministre la semaine dernière.

Les actions que nous menons, depuis 2017, depuis l’été dernier et depuis janvier produisent des effets. Ce qui me fait dire que nous sommes sur la bonne voie.

Changer le quotidien, c’est donner la possibilité aux Français de pouvoir se faire vacciner par un infirmier, un pharmacien ou une sage-femme.

Changer le quotidien, c’est permettre aux patients chroniques, comme les diabétiques, de renouveler leurs ordonnances auprès du pharmacien, pour une durée allant jusqu’à 3 mois, dans l’attente de leur prochain rendez-vous médical.

Changer le quotidien, c’est permettre aux familles endeuillées de disposer plus rapidement d’un certificat de décès établi par une infirmière, avec l’expérimentation que nous lancerons à l’été.

Changer le quotidien, c’est permettre à chaque Français en maladie chronique d’avoir son médecin traitant pour bénéficier d’un suivi durable de sa santé. Toutes ces situations, de la « vie de tous les jours », ont été partout relayées par les CNR territoriaux. Nous y répondons. Concrètement.

Changer le quotidien, c’est permettre à chacune et chacun de bien entendre, de bien voir, d’avoir une bonne santé bucco-dentaire grâce au « 100% santé » qui permet une prise en charge par l’Assurance maladie. J’ai annoncé le renforcement des paniers de soins. Une mesure qui me tient particulièrement à coeur, et que le président de la République a annoncé la semaine dernière lors de la Conférence nationale du handicap (CNH), est le remboursement intégral des fauteuils roulants dès 2024 ! Il n’existera plus en France d’appel aux dons, ou de cagnotte en ligne pour financer des fauteuils. Cela va être exigeant, nous devrons nous entendre entre Assurance maladie et les organismes complémentaires, mais à la fin c’est une question d’honneur de ne pas laisser des enfants ou des moins jeunes dans de telles situations.

Changer le quotidien, c’est reconnaître que notre système de santé ne s’adapte pas assez vite aux spécificités des femmes, et agir en conséquence. C’est la contraception d’urgence désormais 100% prise en charge pour toutes les femmes, ce sont les protections périodiques remboursées jusqu’à 26 ans, ce sont les interruptions spontanées de grossesse reconnues et prises en charge dans des parcours de soins dédiés.

Pour que ces mots ne sonnent pas creux chez les Français ou chez nos professionnels, nous devons nous attaquer plus fermement aux enjeux de l’usage et de l’appropriation de nos outils et de nos améliorations.

Les garants du CNR, que je salue, nous l’ont dit et répété. Trop de professionnels, trop de nos concitoyens ignorent leurs droits ou les possibilités qui leur sont ouvertes. Nous devons nous pencher sérieusement sur la façon d’atteindre plus massivement ceux que nous visons, et certainement assumer que la communication institutionnelle ou politique ne suffit pas, ne suffit plus.

Nous conduirons un travail spécifique d’ici l’été, avec les représentants des usagers, des groupes de citoyens, de professionnels et d’élus, pour définir avec eux ce qui leur est utile en termes de connaissance et d’accompagnement sur toutes les possibilités ouvertes, et cette « boîte à outils ».

Mesdames et Messieurs, la première phase territoriale du CNR Santé nous a permis de définir notre méthode et de mettre à l’agenda des sujets fondamentaux pour l’avenir de notre système de santé.

La deuxième phase doit permettre de pérenniser et d’approfondir ces dynamiques, de renforcer l’appui concerté de l’État, de l’Assurance maladie et des collectivités territoriales, et d’enrichir les
solutions et leviers mis au service de nos territoires.

Nous sommes à un moment où tout foisonne dans une période marquée par des évolutions très profondes et des difficultés plus conjoncturelles.

Notre nouvelle Stratégie Nationale de Santé (SNS) constituera le cadre d’orientation général des politiques de santé, à horizon décennal. J’ai voulu que ces principes en soient le fondement, notamment pour répondre aux grands enjeux de santé publique que sont la préparation de la résilience de notre système face au défi écologique et aux crises, ou encore l’adaptation de notre Santé aux transformations numériques et à la transition démographique.

L’inspection générale des affaires sociales, en charge de la formalisation de notre cap collectif, se rapprochera de chacun d’entre vous pour concerter sur ce dernier. Les travaux en région nourriront aussi notre cap national. L’objectif est d’en disposer d’ici la fin de l’année !

Mesdames et Messieurs, en janvier je ne vous ai pas promis « du sang, du labeur, de la sueur et des larmes » mais j’ai formulé devant l’écosystème de santé réuni des voeux d’espoir, de confiance, de volonté et de courage.

C’est bien de tout cela dont nous avons besoin pour mener à bien cette refondation !

Le courage de mettre nos volontés en actes, de mener des réformes difficiles, et de ne pas reculer devant les obstacles.

Le courage de faire confiance, aux territoires, aux citoyens et aux professionnels.

Le courage de changer de logiciel, de renverser la verticalité de la décision et de créer, en avançant, notre méthodologie de l’action.

Le courage de toujours garder espoir, face aux crises et aux défis nouveaux, dans un monde qui change et s’accélère. Si j’y reviens c’est que notre cap n’a pas changé. Le courage pour
moi c’est d’avancer, avec détermination et réalisme vers nos objectifs, en conduisant collectivement le changement, de la manière la plus efficace et la plus juste possible.

Je tiens à vous remercier chacune et chacun d’entre vous, pour la pierre que vous apportez à cet édifice important de la refondation.

Je ne suis pas un professionnel de la politique et je ne vise aucun poste ni décoration. Ce que d’aucuns verraient comme une faiblesse, c’est ma force, celle d’un acteur de la santé devenu ministre, qui croit en la force de son pays. L’engagement doit prendre le pas sur le pessimisme ambiant, il sera notre remède à l’impuissance et au fatalisme !

« Il ne sert à rien de dire « nous avons fait de notre mieux », il faut faire ce qui est nécessaire ». Disait Winston Churchill.

Je suis sûr que nous sommes tous ici d’accord avec cet objectif.

Je vous remercie.


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